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Tout sur Jean Michel Jarre

25 avril 2024

Des silences qui ont déplu au fisc (Libération, 3 mars 1986)

Jean Michel Jarre est un habitué des caves capitonnées où il mitonne ses oeuvres, technologiquement impérissables, d’Oxygène à Zoolook. C’est un autre genre de réduit qu’il risque de connaître le 21 mars prochain si la 6ème chambre du tribunal correctionnel de Versailles suit le réquisitoire prononcé par le procureur vendredi dernier : cinq ans de prison (la peine maximale encourue). “Eventuellement assortie de sursis”, a tout de même recommandé le procureur. Jean Michel Jarre, 38 ans comparaissait la semaine dernière pour une étonnante “fraude fiscale”. Il aurait tout simplement omis de faire la déclaration de ses revenus en 78, 79 et 81. En 80, il aurait en prime dissimulé une partie de ses ressources. Bigre ! Quand on vend par millions dans le monde entier un album comme Oxygène (performance quasiment sans égale pour un artiste français), quand on réunit plus de 200 000 personnes sur la Place de la Concorde pour l’exécution publique de ses oeuvres, et même des milliers de Chinois dans un stade pékinois, on en oublierait de faire état de ses ressources au percepteur ? Et on persisterait dans l’art improbable de se faire oublier de ce dernier, alors même qu’on a été l’objet d’un premier redressement de 14 690 000 F en avril 81, dont seule la moitié a été payée à ce jour ?

Pour ces petits comptes, les stars ont généralement recours à homme d’affaires. Celui de Jarre, Claude Pescetto, 46 ans, comparaissait aux côtés de son client, accusé de complicité frauduleuse. Il reconnaît bien avoir reçu 92 000 francs d’honoraires pour effectuer ce travail, mais pour sa défense il se borne à confier qu’il a été “dépassé par l’ampleur du travail à effectuer”. Une manière un peu sommaire d’évacuer ses responsabilités, qui n’a pas eu l’heur de plaire au procureur : “Je ne crois pas à la négligence due à une vie professionnelle agitée”. Et de requérir dans la foulée, huit mois de prison avec sursis pour le complice.

Toutefois, la modicité des amendes requises en prime (250 000 F pour Jarre, 50 000 F pour Pescetto), laisse supposer que l’affaire est plus complexe qu’il n’y paraît. Pour le moment, Jean Michel Jarre n’est pas encore privé d’oxygène, et Charlotte Rampling attendra le printemps (21 mars, date à laquelle le tribunal rendra son jugement), pour savoir si elle doit acheter des oranges…

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24 avril 2024

Jarre : la musique opium du peuple (L'événement du jeudi, novembre 1986)

 

Les enfants du rock auraient-ils tendance à prendre les pitchounes du bon Dieu pour des canards sauvages ? Si l’on se réfère aux chiffres records de ventes des six disques de Jean-Michel Jarre, il faut le croire… En cultivant avec soin une image de Chopin du synthé (cheveux longs, smoking blanc, main traînant négligemment sur une jungle d’appareils plus électroniques et ésotériques les uns que les autres) ce compositeur, somme toute modeste, a réussi le tour de force de propulser la musique d’ambiance pour ascenseurs et hall d’aéroport au niveau d’une sorte d’oeuvre d’art high tech. Immédiatement consommable, que ce soit par un guerrier massaï ou un épicier bantou. Pour preuve, les Chinois, les Américains (enfin, les Texans, ces cow-boys de l’ère cybernétique, ce qui n’est pas peu dire…) et les Français sont tout à tour tombés dans le piège, en se laissant séduire par une machinerie digne de Cecil B. De Mille, à la fois majestueuse et si creuse… La musique de Jarre, répertoire exhaustif des nouveaux “sons” recrachés et prémâchés par les machines à bruit actuelles, est volontairement vierge d’émotions. Bien élevée. Propre. Clean. Respectueuse des conventions… Elle tale sur le prestige. Mais à la façon d’un flacon de parfum das les dépliants glacés qu’on trouve devant son siège sur les vols long-courriers. Plus Champs-Elysées que Ménilmontant en quelque sorte. Avec un côté attrape-tout et nivellement par le bas pour aguicher aussi bien l’auditeur de Bach (sur lecteur compact acheté avec le nouveau canapé cir) que le fan de Dire Strait subjugué par le moelleux des mélodies… Un petit peu ce que Gonzague Saint-Bris est à la littérature : le catalogue évanescent des pulsions artistiques du bipède moyen.

il est normal que cette musique-opium du peuple (petites mélodies habiles, pièces climatiques tour à tour douces et violentes) rencontre la religion-opium du peuple. Qu’elle soit devenue la bande-son de la visite d’il papa à Lyon est en quelque sorte la preuve que tout cela, comme la cocaïne, est parfait et faux en même temps.

Yann Plougastel

23 avril 2024

1986 : votez Jarre (Guitare & claviers, janvier 1986)

1985 : Zoolook et son auteur, album et musicien de l’année

Au lendemain de son succès aux Victoires, le prince des synthés fait un bilan rapide.

Guitare & Claviers. 1985, c ‘est une année Jarre avec, en dernier lieu, une Victoire

Jean-Michel Jarre. J’ai eu très peur d’être en compétition avec Jouvin et Caravelli, quand tu sais que ce sont les professionnels qui votent on peut s’attendre à tout

– Larousse, à Beaubourg, pour célébrer la parution de la 5e édition de l’Encyclopédie – Pour quelqu’un qui écrit beaucoup de textes comme moi, c’est quelque chose qui compte dans une vie. Trêve de plaisanterie, le spectacle était très bien . Beaubourg avec 21 écrans accrochés, c’est gonflé. En fait, cette manifestation avec Larousse me servait de répétition pour quelques projets…

– Tu participais également aux 7 d’or…

– Très important; un grand moment, il y avait long temps que je désirais rencontrer Bécassine. J’étais ravi

– Accessoirement, il y a eu « Zoolook » que certains, les niais, considèrent comme l’album de l’année

– C’est secondaire. J’ai eu beaucoup de choses à faire en dehors de cet album. Mais pour mon image, ce n’était pas mal de sévir dans d’autres domaines, comme le disque. Comprenez-moi, cher ami, faire un disque ça peut aider.

– Certes, mais Zoolook, le titre lui-même, ne participe-t-il pas d’un appauvrissement de notre beau langage ?

– Ah bon ? Non, c’est complètement français. Mais si certains y entendaient des phonèmes étrangers, cela permettait d’imposer une image libérale ; quelqu’un d’ouvert aux influences extérieures. Peut-être aurais-je dû titrer cet album « Jardin d’Acclimatation regard » ?

– Pourquoi Zoolook ?

– Je cherchais quelque chose qui soit bref et « sensé “. Ca m’est venu en revoyant Oranges Mécaniques. Les vocables de Burgess sont à la fois complètement fabriqués et complètement naturels leur force vient du décalage entre le sens qu’ils ont habituellement et le sens que Burgess leur donne. Mieux, cela posait un langage très rock avant la lettre. Burgess se montrait très punk avec dix ans d’avance.

– « Zoolook » a entraîné pas mal de réactions, le plus souvent élogieuses. Quelles ont été celles que tu as le plus appréciées ?

– Ton collègue américain, Keyboard Magazine, considérant ” Zoolook” comme le meilleur album instrumental de l’année, ne me laisse pas indifférent. Les réactions d’artistes que je ne connaissais pas m’ont conforté. Cyndi Lauper, Mick Jones de Foreigner, Mick Jagger, Toto notamment François Kervakian, I’ingénieur du son de Jagger, d’Eurythmics, de Thompson Twins, a appelé le bureau en demandant la permission de remixer I’album ! II voulait remixer certains passages pour lui. En fait, les professionnels ont réagi à ce disque. Et leur avis m’a beaucoup touché.

– « Zoolook », réalisé en grande partie avec des sons échantillonnés, relevait du défi.

– J’avais envie depuis long temps de le faire. Ca correspondait à une idée que j’avais, bien avant que les machines ne le permettent. Déjà au GRM, je ressentais ce besoin. De plus, je voulais traiter des voix. Sur ce plan, travailler avec Laurie Anderson a été un grand plaisir. (Comme Marcus Miller, que je place très haut dans les musiciens que j’aime.)

– La compilation « 10 ans de Jarre » elle est retravaillée ?

– Non, je préfère laisser les enregistrements originaux pour qu’on ait une idée du chemin accompli. Seuls les masters ont été retraités en digital.

– II y a sûrement pourtant des choses que tu aurais aimé retoucher ?

 

– A une époque, je remixais beaucoup. Les rééditions n’étaient pas les mêmes. A chaque fois, je fignolais, je retouchais, je remixais « Oxygène », il y avait au moins sept mixages différents dans le commerce. En revanche, dans le cas d’une compilation, il faut jouer le jeu du « son d’époque ». Tout refaire aurait été une tricherie.

– Apres dix ans de métier, as-tu des regrets ? Referais-tu les mêmes choses ?

– Je signerais avec la même maison de disques. Le trajet de Francis Dreyfus est quelque chose d’unique. C’est le Corti du disque. En ce qui concerne les disques, tous m’ont amené quelque chose; les concerts aussi. Toute expérience m’a permis d’évoluer. Même les plus malheureuses. Je ne peux rien renier. Pourtant, a posteriori, j’émets souvent un jugement négatif . j’aurais dû faire ceci, j’aurais dû reprendre cela. A la limite, je serais prêt à tout refaire. Je ne peux pas isoler une chose par rapport à une autre. Tout se tient. Par exemple, à I’époque de « Chants magnétiques», j’avais bouleversé mon studio. J’ai eu un problème de son que je n’ai pas immédiatement appréhendé. Finalement, le son n’était pas celui que j’attendais mais il était intéressant. Et ce son m’a aidé pour d’autres réalisations Des événements mineurs peuvent être déterminants pour I’étape suivante. Le concert pour le concert ne m’intéresse pas. Au reste, le genre de musique que je fais réclame autre chose. Etre là, appuyer sur une touche et déclencher un cataclysme. Le spectateur, I’auditeur, ne comprend pas. Ici, autour d’une table, on a les meilleures idées du monde. Les mots, les idées, ça va. Reste la matérialisation. Et là, on pèche, sérieusement. En revanche, les Américains, les Anglais n’ont peut-être pas d’aussi bonnes idées mais eux, forcenés de la réalisation, mènent à bien, concrètement, leur projet. La Chine a plus compté comme performance que comme spectacle en soi. L’avoir fait compte plus que ce qu’on a fait. Paringaux dans Rock & Folk I’avait vu assez justement. Je ne regrette pas. J’analyse ce qui aurait pu être amélioré.

 

– Tu ne regrettes aucune amitié phonographique ?

– Je ne raisonne pas comme ça. Quand j’ai décidé de faire, j’assume. Jusqu’au bout Je ne regrette rien, quoi que ça ait donné. Dans des associations avec Christophe ou Juvet, il y avait beaucoup de positif. II y avait aussi des points négatifs. Mais ça m’a énormément apporté. Et puis, ça peut te donner moins envie de faire certaines choses

– Le après ” Zoolook » ?

 

– ” Zoolook ” m’a permis de me débarrasser de tas de choses Les sons acoustiques, pour le prochain, je m’en passerai. J’ai eu beaucoup de plaisir à les avoir. Or, j’ai envie d’autres choses. Le prochain album sera totalement électronique. Sinon, il est très difficile de ne pas utiliser des clichés, les cuivres de Earth, Wind and Fire, les batteries de Phil Coilins, etc. Je veux revenir a des sons purement électroniques. Peu de sampling; le sampling, I’échantillonnage s’inscrit dans une dynamique qui est à I’opposée du synthétiseur analogique. Extraire des sons naturels et les modifier te pousse à faire des monstres. Comme en dessin, déformer le visage de quelqu’un t’amène à le rendre monstrueux. En ça, I’échantillonnage est dangereux. Alors que le son électronique détient un grand pouvoir évocateur parce qu’il ne rappelle rien. II ne limite pas ton inspiration. Donc le prochain album n’aura rien à voir avec « Zoolook ” Cependant, j’exploiterai toutes les possibilités. J’attends beaucoup d’un synthé canadien que I’on verra vers le mois d’avril, le Technos, qui permet les synthèses additives, soustractives, ainsi que I’échantillonnage

 

– Tu es un fou de matériel ?

– J’essaie tout ce qui bouge. Music Land me passe ce qui sort. J’essaie, je vois, je garde ou je rends, selon Mais, autant je suis passionné par le matériel, autant je reste méfiant. Surtout par rapport aux gadgets qui doivent solutionner tous les problèmes. Ils rendent les choses plus compliquées. Le principe du defectron.. Les fabricants m’envoient régulièrement des informations. Je suis une victime du prospectus. Ma boite à lettres est emplie d’instruments en tout genre. De toute façon, et a priori, j’ai un préjugé favorable envers les instruments qu’on me déconseille. « Non, ne prends pas 9a, c’est de la merde ». D’emblée, je trouve le truc sympa. J’aime bien les synthés italiens. Le Synthex est, à mon avis, un des meilleurs synthés polyphoniques analogiques du monde. OBX et Prophet peuvent s’accrocher, le son du Synthex est très beau. Et puis li y a un côté spaghetti, marino marini, qu’on trouve nulle part ailleurs.

– Hohner Electronique devrait présenter un synthé important au début de l’année. Serais-tu prêt a le découvrir en avant-première pour nous et à donner ton avis ?

– Tout a fait. Je l’avais fait au Japon, pour Seiko. Le principe était trop bâtard. D'un côté un synthé de Prisunic et de l’autre un module qui permettait de visualiser et de concevoir des enveloppes à une vitesse époustouflante. C’ était moins bon que les bas de gamme à 50% et le reste intéressait les professionnels une machine mal ciblée. Je n'ai aucun a priori, j’espère que Hohner sortira un synthé révolutionnaire. Je serai heureux d’assister à sa naissance. Quand tu vois qu’au beau milieu du désert australien, de jeunes ” luthiers ” sortent des engins faramineux très en avance .

 

– Tu te fabriques des instruments ?

– Je travaille beaucoup avec Michel Geiss Electronicien. II ma conçu des appareils que j’utilise encore. Notamment un séquenceur le Matrisequenceur une matrice de 2000 points qui fonctionne à l’aide d’aiguilles. En temps réel, tu peux modifier ce que tu as écrit en pas à pas etc. II y avait aussi une boite à rythmes. une des premières synchronisables. En ce moment je suis en train de me faire faire deux générateurs d’enveloppes à 16 paramètres graphiques. Au reste tous les instruments que Je possède ont été modifies. Même le Fairlight est modifié

– Tu accepterais de prêter ton nom a du matériel ?

– OUl s’il y a un réel dialogue entre le constructeur et moi. Non si je signe l’autorisation que I’on utilise mon nom sans que j’aie quoi que ce soit à voir dans I’ élaboration du produit

– Tu reçois sûrement des cassettes de jeunes auteurs ?

 

– Beaucoup et je ne peux pas toujours répondre. Je les écoute toutes Actuellement je reçois des bandes de gens qui refont ” Les Concerts en Chine” ” Zoolook ” C est une situation piège. Je me sens obligé de répondre et souvent je ne sais pas quoi répondre. C’est difficile. Je vais dire ce qu’on ma dit quand je présentais mes bandes. Pourquoi t’as pas fait ça pourquoi t’as pas employé plutôt tel synthé etc. Des conneries grosses comme moi quand on fait un truc c'est bien de l’envoyer va aidé moralement. Mais iI ne faut rien attendre du conseilleur ou si peu.

22 avril 2024

Schmucki : un lion ou un aigle ? (Aviae arca, janvier 1972)

 

Schmucki a pu faire son entrée, par la grande porte, cette fois, à l’Opéra de Paris où pour la reprise des soirées de ballet, il a donné une création : “Aor” sur une musique originale de deux jeunes compositeurs, Igor Wakhevitch est Jean-Michel Jarre. Cette oeuvre puissante, d’un style tout à fait nouveau, a fait sensation sous les dorures du Palais Garnier.

Certes, il fut contesté par les habitués traditionnalistes de l’Académie Nationale de Musique, ce qui n’étonnera personne puisque traditionnellement ce public conteste toutes les créations quelles qu’elles soient. Rappelons-nous l’accueil tumultueux fait à “Notre-Dame de Paris” de Roland Petit, maintenant considéré comme l’un des meilleurs spectacles du répertoire… et celui qui fut réservé aux ballets de Michel Descombey qui font maintenant un triomphe international.

Malgré les efforts désespérés d’une cabale organisée en l’honneur de “Aor”, le vrai public a réagi avec enthousiasme devant la beauté du spectacle qui lui était proposé par Schmucki, et on peut dire, sans risque de se tromper, qu’Aor comptera comme une pièce maîtresse du répertoire.

Ce ballet a été conçu à partir de la danse des sept voiles de Salomé, mais s’est échappé complètement des versions réalisées jusqu’à ce jour : chaque voile est devenu un tableau d’une couleur différente symbolisant les différents visages de la séduction féminine. La musique d’Igor Wakhevitch, instrumentale, et celle de Jean-Michel Jarre, électronique, constituaient elles aussi des innovations dans ce grand théâtre à l’italienne.

Norbert Schmucki, comme d’habitude, avait veillé très attentivement aux choix de ses interprètes parmi lesquels on peut mentionner : Claude Bessis, Jean Guizerix, Wilfride Piollet, Cyril Atanasoff, Christiane Vlassi, Patrice Bart, Francesca Zumbo, Jean-Pierre Franchetti, Nicole Chouret, Brigitte Lefèvre, Richard Duquesnoy, Nanon Thibon, etc…

Quant au décor audacieux et féérique traité dans l’esprit d’une aurore boréale et réalisé avec sept kilomètres de corde de nylon, il est aussi l’oeuvre de Schmucki ainsi d’ailleurs que les maquettes de costumes.

Nous avions écrit notre confiance dans le jeune chorégraphe qu’était Norbert Schmucki ; jusqu’ici, nous n’avons pas lieu d’être déçus. Gageons que l’ascension de cet “aigle” ne fait que commencer

21 avril 2024

Jean-Michel Jarre, luthier du XXè siècle. (Télé Moustique, janvier 1977)

 

 

Malgré ses 29 ans, il a gardé un petit air d’enfant prodige. C’est que dans le domaine de la musique, iI a tout fait, et avant les autres. Fils du compositeur Maurice Jarre auquel on doit la musique des films « Lawrence d’ Arabie ., « Docteur Jivago », pour ne citer que les plus célèbres), il apprend le piano à cinq ans, entre au conservatoire, le quitte pour suivre les nouvelles voies de la musique, travaille sur I’un des premiers synthétiseurs européens, fait interpréter l’une de ses oeuvres à l’Opéra de Paris en 1971, se dirige vers la musique de films, de ballets, de génériques de télévision. La chanson I’attire aussi : il en écrit pour Gérard Lenorman, Christophe, Patrick Juvet et Françoise Hardy. Et enfin « le » disque : Oxygène, un merveilleux voyage dans les possibilités musicales d’aujourd’hui. On ne sait plus quel record citer en premier lieu: nombre total de disques vendus, conquête du hit-parade anglais; implantation aux USA et un peu partout dans le monde.

TM : C’est Catherine Lara qui disait que I’avenir de la musique populaire de grande audience se trouvait en France. votre avis ?

Jean-Michel Jarre : «, Ce n’est pas tellement un problème de pays que de génération, Catherine Lara pa1e peut-être d’un secteur de la musique qu’on pourrait appeler le ” folklore “. Catherine Lara, comme William Sheller Patrick Juvet ou Christophe, reflète notre époque, une société déterminée, une mode. Je crois qu’il faut bien différencier le folklore, c’est-à-dire la chanson, et une musique qui n’est pas emprisonnée dans des frontières déterminées. En ce qui me concerne, j’essaie de dépasser un genre bien précis.

C’est difficile de franchir les frontières si l’on se cantonne dans un secteur de la musique, la chanson. Plusieurs barrières se dressent : la langue, la culture. Le fait qu’ “Oxygène ” se soit bien vendu en Angleterre donne à penser que certaines choses peuvent venir de France et se bien placer sur le plan international. Même si je reste un exemple unique jusqu’à présent. » Quand je dis ” de France “, je devrais préciser : ” de pays de culture latine “, Et si je connais un succès international, cela vient peut-être du fait que je n’ai pas ” fait français ».

JMJ : Sans doute des racines européennes et non pas régionalistes. »

TM : Ce qui est malgré tout nouveau, puisqu’on s’accordait à dire que la musique d’origine « californienne » donnait le ton. Qu’est-ce qui explique ce nouveau mouvement en sens inverse ? Car même aux Etats-Unis, des mouvements qualifiés de régionaux luttent contre une sorte d’universalisation de la musique populaire, tout en entrant dans ce système par Ie biais du disque.

J.M.J : « Plus que d’universalisation, je parlerais de standardisation au plan des émotions, de I’expression. Ce n’est pas forcément une mauvaise chose au départ, mais à cause du show-business, la musique est devenue une industrie. En tant qu’artiste, on peut utiliser l’infrastructure industrielle. II y a une centaine d’années, aucune barrière n’existait entre le compositeur et ses auditeurs. A présent, il existe un tel circuit commercial qu’en effet il devient plus difficile de se faire entendre. Mais il faut nuancer. Car si vous ne suivez pas la filière, si vous l’ignorez, vous vous coupez complètement de la réalité, Le but de chaque artiste, c’est communiquer, Si vous n’apprenez pas les méthodes de Ia communication actuelles, vous agissez comme un compositeur ignorant le maniement des instruments de musique, qui sont les premières ” machines a communiquer “. »

TM : Et à votre avis, trop peu d’artistes comprennent cette démarche ?

JMJ. : « C’est un problème pour notre génération. II s’agit de réapprendre à communiquer et surtout de ne pas considérer I’industrie des media avec méfiance. II n’est pas question d’établir si les media sont mauvais ou bons : ils sont objectifs, récupérables éventuellement »

TM : Justement, on peut regretter l’évolution actuelle du show-business aussi bien dans le domaine du disque que de I’édition, par exemple, l’industrie du disque est devenue une des branches secondaires de grands holdings. Cette évolution ne se fait-elle pas au détriment de la création, puisqu’un artiste doit être rentable et que la rentabilité passe souvent par le conformisme ?

J.MJ. : « C’est un danger; mais it faut apprendre à s’adapter aux circonstances. »

TM : Lorsqu’on entend des gens de la génération précédente, ii semble qu’ils pouvaient se permettre des expériences de longue haleine. Avant d’être connu par le disque, Brel a chanté pendant quelques années dans les cabarets.

J.M.J. : «On a trop tendance à lier la scène et le disque : je pense qu’il faut les séparer. Le disque est un mode d’expression à part entière. Et c’est vrai que le disque est considéré comme un sous-produit. A tel point qu’en France, le disque est taxé comme un film porno. Et l’on continue à estimer le disque comme le stade foetal d’un artiste qui va aborder la scène.

« Le disque est un nouveau support, exactement comme l’est le cinéma par rapport au théâtre. Il ne viendra à l’esprit de personne de considérer le cinéma comme un art mineur.

« Au cinéma et dans le disque, avous avez deux utilisations du support mécanique, la pellicule d’une part, le vinyl de l’autre. Il y a d’abord le théâtre filmé, c’est-à-dore des films, comme ceux de Bergman, qu’on pourrait monter au théâtre. Ensuite il y a les films de Kubrick ou « Star Wars » qu’il n’est pas possible de présenter au théâtre et qui sont du cinéma, au sens le plus plein du terme.

« Dans le domaine du disque, on peut parler de Brel, Piaf, Brassens. Pour eux, le disque était un support qui conservait un moment de concert. C’est le disque-mémoire.

« Pour moi, le disque est un support nouveau, un mode d’expression à part entière. Dans « Oxygène », j’ai voulu faire une création adaptée à ce nouveau support. Cela ne veut pas dire qu’on soit obligé de faire la même chose sur scène par la suite. Et tout ce folklore qui consiste à dire : « On a vu sur scène tel groupe; c’est la même chose que le disque : « je trouve cela affligeant.

« Parlons à présent de rentabilité. Il faut remettre les choses en place. Avant que n’arrivent les media, la notion de rentabilité n’existait pas dans sa forme actuelle. Mais où se trouvaient les musiciens ? Ou bien ils crevaient de faim : ou bien ils se trouvaient un mécène. Et la notion de rentabilité était nettement plus arbitraire, puisqu’elle dépendait d’une ou deux personnes »

TM : L ‘art doit être efficace ?

J.M.J. : « Oui, D’abord vis-à-vis de soi-même. Pourquoi un peintre choisit-il telle nuance de bleu, sinon par souci d’efficacité par rapport à lui-même ? Dans l’industrie du disque, je ne crois pas que I’efficacité soit un handicap. Au contraire, dès qu’un artiste fait I’effort d’apprendre à se servir des media, c’est un multiplicateur unique, II est possible de toucher deux cents millions de personnes – chose impensable auparavant, Si je ne nie pas les dangers de standardisation, de robotisation, je crois que tout est question d’attitude vis-à-vis d’un système »

TM : Au sein même de I’industrie du disque, I’artiste ne se sent-il pas trahi quelquefois ? Je veux dire qu’il y a parfois un tel hiatus entre le soin apporté à l’ enregistrement et les critères de fiabilité du disque en tant que support.

J.M.J. : . Je ne crois pas qu’il y ait trahison I Tout se passe au niveau des instruments. Les instruments acoustiques ont été construits à une époque déterminée, pour un propos déterminé, pour une musique qu’on peut préciser. A partir du moment où les rapports du public ont changé, à partir du moment où les moyens de diffusion ont changé, on ne peut plus s’attendre à écouter le son d’une guitare comme on l’ entendait avant. De nos jours, 98 % des gens n’ont jamais entendu de la musique que d’une façon électrique. L’artiste peut être effectivement déçu d’entendre son disque au travers du haut-parleur d’un juke-box. Mais s’il est déçu, ce n’est pas à cause du système, c’est à cause de lui-même. Nombre d’artistes américains ne se sont jamais souciés de savoir quel serait le résultat de leur travail à la fin de la chaîne, à savoir la sortie du haut-parleur. Ce dernier peut être considéré comme la caisse de résonance principale de la musique de notre époque. » Si on n’adapte pas notre lutherie et notre musique aux moyens de diffusion – comme on adaptait notre système musical, voici trois cents ans, aux instruments tempérés, système encore beaucoup plus contraignant – , le résultat ne pourra qu’être déformé par rapport aux espérances de I’artiste. »

TM : Ce qui vous amène à utiliser des instruments électroniques ?

J.M.J. : « Je crois que c’est la seule façon d’ être synchrone avec notre société. Et lorsque j’écoute ma musique passant dans un juke-box, cela ne me gène pas, puisqu’elle a été créée au départ pour ce genre de diffusion. Chose irréalisable avec des instruments acoustiques, qui n’ont pas été faits pour cela. Même avec le meilleur micro, un instrument acoustique perd 50 % de ce qu’il est. Ne parlons pas de la perte au travers du magnétophone, du pressage et des chaînes de haute ou de basse fidélité.”

TM : C’est en réfléchissant à tout cela que vous avez conçu « Oxygène » ?

J.M.J. : « Après un enseignement classique et un travail de recherche musicale avec Pierre Schaeffer et Pierre Henry , je me suis aperçu que I’enseignement classique est tout à fait abstrait et basé sur le solfège écrit, qui nous a déformés et fait perdre toute notion sensitive et tactile. On apprend à écrire la musique avant de la faire : c’est peut-être la raison du problème des musiciens modernes. Dans tous les autres domaines artistiques, il n’y a pas de solfège écrit. » D’autre part, j’ai l’impression que la musique contemporaine n’est qu’un épiphénomène de la musique classique traditionnelle. Les musiciens de cette tendance se sont aperçus que nous vivions au XXe siècle avec un système musical vieux de trois cents ans. lIs ont voulu faire évoluer les choses. Mais l’erreur a été de vouloir une évolution en partant du vieux système. En fait, ils ont adopté une attitude scientifique et non pas artistique. Le résultat est patent : ils s’éloignent de plus en plus de la sensibilité, ils s’adressent à l’intellect, à une élite. »

TM : Au sein de la création, n’avez-vous pas une attitude élitiste, puisque la manipulation des instruments électroniques n’est pas à la portée du premier venu – attitude contre laquelle réagissent des mouvements comme le punk, je crois ?

J.M.J. : . II n’y a pas d’élitisme, la manipulation, la connaissance des instruments électroniques et de leurs possibilités est le résultat d’une recherche personnelle, C’est le contraire de I’élitisme. C’est retrouver la loi du plus grand nombre. Si on place me démarche à I’opposé du mouvement punk, c’est une erreur. Le mouvement punk est une copie, sur le plan musical, de groupes qui ont eu leur succès autrefois. Le mouvement punk est plus sociologique que musical, C’est une attitude de réaction, récupérée par I’industrie du disque, Le punk est à I’origine du renouveau de la vente des 45 tours, qui dépérissait en Angleterre, ces derniers temps. – Les punks ont une attitude très saine vis-à-vis de la musique, lIs refusent d’aller à l’école pour apprendre la musique, ils ont une approche directe des instruments de musique, C’est très bien, mais les punks n’ont pas inventé cette attitude. C’est malheureusement une attitude que nous avons abandonnée en Europe, depuis que nous avons nos sacrés solfèges. Dans d’autres cultures, cela n’existe pas et Dieu sait si les musiques chinoises ou indiennes sont savantes. »

TM : II y aurait une confusion sur le vocable « musique électronique » ?

J.M.J. : . Je crois. On a tendance à croire que cette musique est élitiste. Pourquoi ? Parce que les premiers à I’employer étaient des techniciens plus que des compositeurs. lIs ne sont devenus compositeurs qu’au moment où ils avaient I’impression de maîtriser les nouveaux instruments. D’où une démarche intellectuelle. Ce qui est une erreur. Le vocable ” musique électronique ” est un barbarisme, car la musique n’ est pal électronique ; les instruments le sont, et je dirais même que seuls les composants le sont. Si on oppose les instruments électroniques aux instruments classiques, qui sont mécaniques, il faudrait appeler la musique classique : « musique mécanique “. Dès qu’on a une émotion à communiquer, on peut le faire au travers d’une guitare, d’une harpe ou d’un ordinateur. L’approche est la même. . Partant de cette réflexion, je rejette la conception qu’ont certains artistes, qui considèrent que les instruments électroniques sont des gadgets à effets. Pour mol, ils constituent une lutherie moderne qui permet des : orchestrations à part entière, résultant de la maîtrise de ces Instruments et non pas d’un accident. Et de là, il faudra repenser les spectacles que je compte bien aborder dès que j’aurai le matériel musical suffisant. Mais là, il s’agira de revoir les définitions traditionnelles du spectacle, tant sur le plan musical que visuel.

Propos recueillis par Alain De Kuyssche.

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20 avril 2024

Oxygène sans piston (janvier 1977)

 

Il a 29 ans, il en parait 20. Avec ses cheveux longs, ses jeans défraîchis, son blouson fripé, il ressemble comme un frère à tous ces enfants du demi-siècle qui errent, désoeuvrés, entre mal de vivre et mal d’amour. Apparences trompeuses : fils de Maurice Jarre, un compositeur expatrié depuis 1957 à Hollywood où il fait. fortune avec ses musiques de films « Dr Jivago- ou «Lawrence d’Arabie », Jean-Michel Jarre, qui ne doit .à son père ni coup de piston ni coup de pouce, mais possède la même passion dévorante de la fugue et du contrepoint, est, a l’âge où d’autres terminent à peine leur conservatoire, un jeune homme comblé. Son album, « Oxygène » s’est vendu à 250000 exemplaires en France, à 350000 dans le monde. On le trouve aussi bien à New York qu’à Moscou, aux Pays-Bas. Dès l’annonce de la prise d’otages par le Sud-Moluquois, : les radios, supprimant leurs programmes de variétés ne diffusaient plus que lui : en deux jours, plus une. trace d’« Oxygène chez. les marchands de disques. Et, chez nous, le journal d’ Antenne 2 se sert d’un de ses thèmes comme indicatif. L ‘arme secrète de Jean-Michel Jarre ? L ‘électronique, grâce au synthétiseur qu’il est l’un des premiers, en France, à avoir systématiquement utilisé au groupe de recherches de Pierre Schaeffer, après une licence. de Iettres et des études au Conservatoire. Pour la réouverture , de l’Opéra en 1971 (il y fit scandale avec ses ballets). Pour les disques de Patrick Juvet et de Christophe dont il écrit également les paroles des chansons. Et c’est avec cette force de frappe dont on n’a pas encore exploré toutes les possibilités qu’il est parti en guerre contre la musique contemporaine, qu’il appelle « I’anti-musique ». « On a trop tendance, dit-il, à confondre intellectualisme et avant-garde. La musique, mais aussi le cinéma et le théâtre en crèvent. Le public ne comprend pas. Il ne suit donc plus.» Lui. le public semble le suivre. Et, déjà, Jean-Michel Jarre, sur sa lancée, prépare un deuxième album, accompagné, celui-là,” d’une vidéocassette qui ajoutera l’image au son. Dans l’appartement qu’il occupe avec l’actrice Charlotte Rampling, le fils qu’elle a eu d’un premier mariage et celui qu’elle vient de lui donner, David Alexis, il a installé son propre studio d’enregistrement : une tour d’ivoire , parfaitement insonorisée où it poursuit ses recherches entre deux voyages de promotion. Car Polydor internationial, qui vient de lui signer un contrat en or, lui demande de se rendre partout où « Oxygène» bat des records de vente. C’est la rançon de la gloire. Et la preuve qu’aujourd’hui Paris est trop petit pour Rastignac. . R. MALLAT

19 avril 2024

Jean-Michel Jarre : l'”Oxygène” d’une révolution musicale (Quotidien de Paris, 1977)

 

Couronné récemment par l’académie Charles Cros, le premier album de Jean-Michel Jarre l’était déjà par la “vox populi”, qui maintient depuis quelques semaines ce disque hors pair en tête des “hits parades”, alors qu’il ne bénéficie d’aucun matraquage, ne serait-ce que parce qu’il se prête mal aux promotions de routine…

Oxygène représente – pour la jeune musique française – une événement au moins aussi important que l’apparition des Pink Floyd dans la “pop music” des années 60.

Noyées dans le médiocre bourbier des variétés, les chaînes de télévision n’ont pas encore saisi toute la portée du phénomène Jean-Michel Jarre, torrent lyrique et sensuel qui embrase l’espace, emportant sur son passage tous les bruits sans couleur dont elles nous encombrent. Oxygène, album écrit, interprété et produit par Jean-Michel Jarre (disques Motors, distribué par Polydor) a été enregistré dans le studio du compositeur, dont l’équipement savant en synthétiseurs prouve qu’il n’est pas toujours indispensable de traverser l’Atlantique ou la Manche pour être inspiré…

Les nostalgies d’une génération

Est-il possible d’imaginer aujourd’hui l’équivalent du Voyage de Chateaubriand en Orient autrement qu’en termes d’images et de sons ? Dès les premières notes d’Oxygène, le bruit lointain du vent et des vagues évoque ce départ quelque part dans les Tropiques, le long des côtes sauvages, où l’on croit trouver l’aventure, l’exaltation, ou encore la vraie réponse à l’attente, au désir lancinant qui tenaille l’adolescent que le quotidien réprime, enferme, et renie. Rupture et refuge dans le rêve éveillé constituent le deuxième mouvement de ce poème constellé de rythmes mélodiques qui sont autant de références oniriques : images de femmes issues des Contes des mille et une nuits, atmosphère magique et empoisonnée des cours d’Orient, et soudain retour à l’Europe, à ses instruments classiques, à son écriture ordonnée. L’inspiration de Jean-Michel Jarre joue avec le synthétiseur à la manière dont Proust fait sa délectation des intermittences du coeur : l’alchimie de thèmes anciens et nouveaux se moque des règles, et l’on passe d’un univers à l’autre avec autant de légèreté aérienne qu’un vaisseau cosmique dans la banlieue des galaxies. Nul doute que cette randonnée correspond à une traversée de l’inconscient d’une jeune génération pétrie de nostalgies : plus étonnant encore est le fait que cette liberté de navigation ignore les habituelles lignes de démarcation entre les spécialistes, les anciens et les modernes, les connaisseurs et les naïfs. D’où l’idée que Jean-Michel Jarre accomplit sa révolution musicale dans le secret, ne cherchant même pas à tirer parti de l’immense succès populaire que lui ont valu les chansons écrites et composées pour Françoise Hardy, Christophe ou Patrick Juvet (Les paradis persus, Faut pas rêver, les Mots bleux, Senorita…). S’il avait choisi la provocation ou l’éclat publicitaire, n’aurait-il pas annoncé son prochain “coup” avec les musiciens de Stevie Wonder et Juvet à Los Angeles, ou encore cet opéra flamboyant qu’il prépare, et qui aura recours aux techniques les plus sophisitiquées du cinéma et de la vidéo ? Mais est-il besoin de dire qu’une musique comme celle d’Oxygène déclenche spontanément des images, et qu’elle offre à chacun la faculté de se projeter son propre film mental ?

Dans la mesure où le lien entre Jean-Michel Jarre et ceux qui respirent enfin un peu d’Oxygène se resserre, comment ne pas souhaiter que l’idée d’un spectacle sur scène dans quelque pavillon de Paris soit différé ? Avant de céder à pareille tentation, et à la volonté de récupération du “star system”, Jean-Michel Jarre devrait rester fidèle à une devise baudelairienne qu’il aime tant pour l’avoir respectée : “Vivre debout et tendu, comme dans un miroir…”

Henry Chapier

18 avril 2024

Jean-Michel Jarre donne de l’oxygène au monde entier (France Soir, 1977)

 

Le lendemain de son émission, il s’envole pour New York, Boston, Chicago, Memphis, San Francisco, Los Angeles… C’est que son album. Oxygène. (désormais fameux puisqu’il est le premier album francais n. 1 au hit-parade en Angleterre, en Allemagne, en Scandinavie, en Espagne) s’apprête à grimper à l’assaut des U.S.A, Cela ne l’étonne pas outre mesure. Il a voulu faire de la musique populaire contemporaine : « Je me situe dans le no man’s land entre Sheila et Boulez. D’un côté il y a la chanson. De l’autre, une musique intellectuelle donnant l’impression qu’il faut être docteur en math ou en philo pour la comprendre. Cela m’attriste quand j’entends dire: « La musique ? Moi, je n’ai jamais appris… alors, je ne peux pas suivre. . Je crois qu’il est temps de retourner à une attitude moins abstraite, qui ait moins le mépris du public, qui soit moins « fasciste » .. Il ne mâche pas ses mots. Il peut parler car ce grand public, il l’a. atteint. La presse britannique parle d’un événement aussi important que l’apparition des Pink Floyd et « Oxygène » s’est vendu à deux millions d’albums en Europe. Il est donc contre ce qu’il appelle « la musique est l’extension qui ne touche la sensibilité que par hasard, alors que la musique est l’extension des mains et non de la tête… » II me paraît aussi aberrant de faire en 1977 de la musique avec la lutherie d’il y a 400 ans qu’avec un ordinateur qui ne sera jamais qu’un ordinateur … Sa lutherie est contemporaine ; ses synthétiseurs, il les met au point avec un ingénieur-musicien, et pour s’en servir il faut justement faire jouer la sensibilité, car le timbre s’invente à chaque seconde. Il a transformé son appartement en studio d’enregistrement pour travailler à n’importe quelle heure, mais il cherche une maison aux environs de Paris pour y abriter son amour, Charlotte Rampling.

– Comme toutes les Anglaises elle a besoin d’un jardin… Nos enfants et nos animaux aussi. Mariés chacun de leur côté, divorcés, ils vont pouvoir prochainement « régulariser » et vivre avec le fils de Charlotte, la fille de Jean-Michel et leur bébé, David.

Jacqueline CARTIER

17 avril 2024

Elle aussi a choisi un Français (Paris-Match, 13 octobre 1978)

 

16 avril 2024

Il a révolutionné la musique française (OK, 17 octobre 1977)

 

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