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Tout sur Jean Michel Jarre
24 avril 2024

Jarre : la musique opium du peuple (L'événement du jeudi, novembre 1986)

 

Les enfants du rock auraient-ils tendance à prendre les pitchounes du bon Dieu pour des canards sauvages ? Si l’on se réfère aux chiffres records de ventes des six disques de Jean-Michel Jarre, il faut le croire… En cultivant avec soin une image de Chopin du synthé (cheveux longs, smoking blanc, main traînant négligemment sur une jungle d’appareils plus électroniques et ésotériques les uns que les autres) ce compositeur, somme toute modeste, a réussi le tour de force de propulser la musique d’ambiance pour ascenseurs et hall d’aéroport au niveau d’une sorte d’oeuvre d’art high tech. Immédiatement consommable, que ce soit par un guerrier massaï ou un épicier bantou. Pour preuve, les Chinois, les Américains (enfin, les Texans, ces cow-boys de l’ère cybernétique, ce qui n’est pas peu dire…) et les Français sont tout à tour tombés dans le piège, en se laissant séduire par une machinerie digne de Cecil B. De Mille, à la fois majestueuse et si creuse… La musique de Jarre, répertoire exhaustif des nouveaux “sons” recrachés et prémâchés par les machines à bruit actuelles, est volontairement vierge d’émotions. Bien élevée. Propre. Clean. Respectueuse des conventions… Elle tale sur le prestige. Mais à la façon d’un flacon de parfum das les dépliants glacés qu’on trouve devant son siège sur les vols long-courriers. Plus Champs-Elysées que Ménilmontant en quelque sorte. Avec un côté attrape-tout et nivellement par le bas pour aguicher aussi bien l’auditeur de Bach (sur lecteur compact acheté avec le nouveau canapé cir) que le fan de Dire Strait subjugué par le moelleux des mélodies… Un petit peu ce que Gonzague Saint-Bris est à la littérature : le catalogue évanescent des pulsions artistiques du bipède moyen.

il est normal que cette musique-opium du peuple (petites mélodies habiles, pièces climatiques tour à tour douces et violentes) rencontre la religion-opium du peuple. Qu’elle soit devenue la bande-son de la visite d’il papa à Lyon est en quelque sorte la preuve que tout cela, comme la cocaïne, est parfait et faux en même temps.

Yann Plougastel

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